A quoi ressemble un arbre, vraiment ? Demandez à un enfant d’en dessiner un, je dis un enfant parce qu’il n’y a que lui qui acceptera de le faire, un adulte dira qu’il ne sait pas dessiner, ou se méfiera ou fera le malin en étant trop baroque ou trop schématique, mais de toute façon, même s’il accepte, le résultat sera le même : il fera un tronc qui prend toute la place, une vague ébauche de racines aussitôt interrompues et un feuillage sous-dimensionné, pur contour sans structure, une sorte de coiffure afro mais coloriée en vert.
L’arbre que l’on imagine est incomplet et disproportionné, parce qu’on le regarde à hauteur d’homme, on surévalue le tronc parce qu’il se tient comme nous, et qu’il a l’air d’avoir des bras et des jambes comme nous : c’est comme d’habitude une vision anthropomorphe, car tout ce qui nous est proche nous voulons lui donner forme humaine, en espérant pouvoir lui parler, tellement nous aimons parler. Mais le tronc n’est pas grand chose, réduire l’arbre à son tronc reviendrait à réduire l’homme à son fémur ou à l’empilement de ses vertèbres, à pas grand chose de vivant, et surtout à rien qui permette de le comprendre.
Extrait de Alexis Jenni, Parmi les arbres, essai de vie commune, Essai Babel, 2021, 123p.